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vendredi 13 avril 2012

Nous les enfants du Web

Né en 1981, Piotr Czerski est un poète, auteur, musicien, informaticien et blogueur polonais.

Il a publié il y a quelques semaines, dans le journal local de Poméranie Dziennik Baltycki, un article qui a des allures de manifeste pour la nouvelle génération.

Un article déjà traduit en anglais, en allemand et donc désormais en français (source FramaBlog).

Entre modèles économiques obsolètes et gouvernements menacés d’archaïsme, le plus important demeure comme souvent la liberté…

Nous sommes les enfants du Web

Il n’existe probablement pas de mot dont on a davantage usé et abusé dans le cirque médiatique que celui de « génération ». J’ai essayé un jour de compter le nombre de « générations » qui ont été claironnées au cours des dix dernières années, à commencer par la fameuse « génération perdue » ; je pense en avoir dénombré une bonne douzaine. Elles avaient toutes un point commun : elles n’existaient que sur le papier. La réalité ne nous a jamais fourni le moindre signe tangible, symbolique et inoubliable d’une expérience commune qui nous permettrait de nous distinguer des générations précédentes. Nous l’avons attendu, mais en fait le véritable séisme est passé inaperçu, venant avec la télé par câble, les téléphones mobiles et surtout, l’accès à Internet. Ce n’est qu’aujourd’hui que nous pouvons appréhender pleinement à quel point les choses ont radicalement changé depuis les quinze dernières années.

Nous, les enfants du Web ; nous qui avons grandi avec Internet et sur Internet, nous sommes une génération qui correspond aux critères de ce qu’est une génération subversive. Nous n’avons pas vécu une nouvelle mode venue de la réalité, mais plutôt une métamorphose de cette réalité. Ce qui nous unit n’est pas un contexte culturel commun et limité, mais la conviction que le contexte est défini par ce que nous en faisons et qu’il dépend de notre libre choix.

En écrivant cela, je suis conscient que j’abuse du pronom « nous », dans la mesure ou ce « nous » est variable, discontinu, nébuleux. Il signifie alors « beaucoup d’entre nous » ou « la plupart d’entre nous ». Quand j’écris « nous sommes » c’est pour dire que nous le sommes souvent. Je n’emploie « nous » que pour être en mesure de parler de la majorité d’entre nous.

Premièrement

Nous avons grandi avec Internet et sur Internet. Voilà ce qui nous rend différents.

Voilà ce qui rend la différence décisive, bien qu’étonnante selon notre point de vue : nous ne « surfons » pas et Internet n’est pas un « espace » ni un « espace virtuel ». Internet n’est pas pour nous une chose extérieure à la réalité mais en fait partie intégrante : une couche invisible mais toujours présente qui s’entrelace à notre environnement physique, une sorte de seconde peau

Nous n’utilisons pas Internet, nous vivons sur Internet et à ses côtés. Nous nous sommes fait des amis et des ennemis en ligne, nous avons préparé des antisèches en ligne pour passer des examens. nous avons prévu des soirées et des sessions de travail en ligne, nous sommes tombés amoureux et avons rompu en ligne. Le Web n’est pas pour nous une technologie que nous avons dû apprendre et sur laquelle nous aurions mis la main. Le Web est un processus en constante évolution sous nos yeux ; avec nous et grâce à nous. Les technologies voient le jour puis deviennent obsolètes, des sites web sont élaborés, ils émergent, s’épanouissent puis meurent, mais le Web continue, parce que nous sommes le Web ; c’est nous, en communiquant ensemble d’une façon qui nous est devenue naturelle, plus intense et efficace que jamais auparavant dans l’histoire de l’espèce humaine.

Nous avons grandi avec le Web et nous pensons de façon différente. La faculté de trouver les informations est pour nous aussi évidente que peut l’être pour vous la faculté de trouver une gare ou un bureau de poste dans une ville inconnue. Lorsque nous voulons savoir quelque chose — depuis les premiers symptômes de la varicelle jusqu’aux raisons de la hausse de notre facture d’eau, en passant par les causes du naufrage de « l’Estonia » — nous prenons nos marques avec la confiance du conducteur d’une voiture équipée d’un système de navigation par satellite. Nous savons que nous allons trouver l’information dont nous avons besoin sur de nombreux sites, nous savons comment nous y rendre, nous savons comment évaluer leur crédibilité. Nous avons appris à accepter qu’au lieu d’une réponse unique nous en trouvions beaucoup d’autres, et dégager de celles-ci la plus réponse la plus probable, en laissant de côté celles qui ne semblent pas crédibles. Nous choisissons, nous filtrons, nous nous rappelons, et nous sommes prêts à échanger les informations apprises contre une autre, meilleure, quand elle se présente.

Pour nous, le Web est une sorte de disque dur externe. Nous n’avons pas besoin de nous souvenir des détails qui ne sont pas indispensables : dates, sommes, formules, clauses, noms de rues, définitions détaillées. Il nous suffit d’avoir un résumé, le nécessaire pour traiter l’information et la transmettre aux autres. Si nous avons besoin de détails, nous pouvons les consulter en quelques secondes. De la même façon, nous n’avons pas besoin d’être expert dans tous les domaines, car nous savons où trouver les spécialistes de ce que nous ne connaissons pas et en qui nous pouvons avoir confiance. Des gens qui vont partager leur savoir avec nous non pas pour l’argent, mais en raison de cette conviction partagée que l’information existe en mouvement, qu’elle doit être libre, que nous bénéficions tous de l’échange d’informations.

Et ce tous les jours : pendant nos études, au travail, lors de la résolution de problèmes quotidiens ou lorsque ça nous intéresse. Nous connaissons la compétition et nous aimons nous y lancer, mais notre compétition, notre désir d’être différents, sont construits sur le savoir, dans la capacité à interpréter et à traiter l’information, et non dans sa monopolisation.

Deuxièmement

Participer à la vie culturelle n’est pas quelque chose d’extraordinaire pour nous : la culture globale est le socle de notre identité, plus important pour nous définir que les traditions, les récits historiques, le statut social, les ancêtres ou même la langue que nous utilisons.

Dans l’océan d’évènements culturels que nous propose Internet, nous choisissons ceux qui nous conviennent le mieux. Nous interagissons avec eux, nous en faisons des critiques, publions ces critiques sur des sites dédiés, qui à leur tour nous suggèrent d’autres albums, films ou jeux que nous pourrions aimer. Nous regardons des films, séries ou vidéos, que nous partageons avec nos proches ou des amis du monde entier (que parfois nous ne verrons peut-être jamais dans la vie réelle). C’est pourquoi nous avons le sentiment que notre culture devient à la fois individuelle et globale. C’est la raison pour laquelle nous avons besoin d’y accéder librement[1].

Cela ne signifie pas que nous exigions que tous les produits culturels nous soient accessibles sans frais, même si quand nous créons quelque chose, nous avons pris l’habitude de simplement et naturellement le diffuser. Nous comprenons que la créativité demande toujours des efforts et de l’investissement, et ce malgré la démocratisation des techniques de montage audio ou vidéo. Nous sommes prêts à payer, mais les énormes commissions que les distributeurs et intermédiaires demandent nous semblent de toute évidence exagérées. Pourquoi devrions-nous payer pour la distribution d’une information qui peut facilement et parfaitement être copiée sans aucune perte de qualité par rapport à l’original qui n’est en rien altéré par l’opération ? Si nous ne faisons que transmettre l’information, nous voulons que le prix en soit adapté. Nous sommes prêts à payer plus, mais nous attendons en échange une valeur ajoutée : un emballage intéressant, un gadget, une meilleure qualité, la possibilité de regarder ici et maintenant, sans devoir attendre que le fichier soit téléchargé. Nous pouvons faire preuve de reconnaissance et nous voulons récompenser le créateur (depuis que l’argent a arrêté d’être sur papier pour devenir une suite de chiffres sur un écran, le paiement est devenu un acte d’échange symbolique qui suppose un bénéfice des deux cotés), mais les objectifs de vente des grandes sociétés ne nous intéressent pas pour autant. Ce n’est pas notre faute si leur activité n’a plus de sens sous sa forme traditionnelle, et qu’au lieu d’accepter le défi en essayant de proposer quelque chose de plus que nous ne pouvons pas obtenir gratuitement, ils ont décidé de défendre un modèle obsolète.

Encore une chose. Nous ne voulons pas payer pour nos souvenirs. Les films qui nous rappellent notre enfance, la musique qui nous a accompagnés dix ans plus tôt. Dans une mémoire mise en réseau, ce ne sont plus que des souvenirs. Les rappeler, les échanger, les remixer, c’est pour nous aussi naturel que pour vous les souvenirs du film Casablanca. Nous trouvons en ligne les films que nous regardions enfants et nous les montrons à nos propres enfants, tout comme vous nous racontiez les histoires du Petit chaperon rouge ou de Boucle d’Or. Pouvez-vous vous imaginer que quelqu’un vous poursuive pour cela en justice ? Nous non plus.

Troisièmement

Nous avons l’habitude de payer automatiquement nos factures du moment que le solde de notre compte le permet. Nous savons que pour ouvrir un compte en banque ou changer d’opérateur téléphonique il suffit de remplir un formulaire en ligne et signer une autorisation livrée par la poste. Nous sommes capables d’organiser de longs voyages en Europe en à peine 2 heures. En tant qu’administrés nous sommes de plus en plus dérangés par les interfaces archaïques. Nous ne comprenons pas pourquoi, pour nos impôts par exemple, nous devrions remplir plusieurs formulaires papiers où le plus gros peut comporter plus de cent questions. Nous ne comprenons pas pourquoi nous devons justifier d’un domicile fixe (il est absurde de devoir en avoir un) avant de pouvoir entreprendre d’autres démarches, comme si les administrations ne pouvaient pas régler ces choses sans que nous devions intervenir.

Il n’y a pas trace en nous de cet humble consentement dont faisaient preuve nos parents, convaincus que les questions administratives étaient de la plus haute importance et qui considéraient les interactions avec l’État comme quelque chose à respecter obséquieusement. Ce respect ancré dans la distance entre le citoyen solitaire et la hauteur majestueuse dans laquelle réside la classe dominante, à peine visible là-haut dans les nuages, nous ne l’avons plus. Nous avons l’habitude d’entamer des discussions avec n’importe qui, qu’il s’agisse d’un journaliste, maire, professeur ou une pop star, et nous n’avons besoin d’aucun diplôme lié à notre statut social pour cela. Le succès des interactions dépend uniquement de savoir si le contenu de notre message sera considéré comme important et digne d’une réponse. Et si, par la coopération, l’esprit critique, la controverse, la défense de nos arguments, etc. nous avons l’impression que nos opinions sur de nombreux sujets sont bonnes voire meilleures, pourquoi ne pourrions-nous pas envisager de dialoguer sérieusement avec nos gouvernements ?

Nous ne ressentons pas un respect religieux pour les « institutions démocratiques » dans leur forme actuelle, nous ne croyons pas à l’irrévocabilité de leurs rôles comme tous ceux qui considèrent que les institutions démocratiques comme des objets de vénération qui se construisent d’elles-mêmes et à leur propre fin. Nous n’avons pas besoin de ces monuments. Nous avons besoin d’un système qui soit à la hauteur de nos attentes, un système qui soit transparent, flexible et en état de marche. Et nous avons appris que le changement est possible, que tout système difficile à manier peut être remplacé par un plus efficace, qui soit mieux adapté à nos besoins en offrant plus d’opportunités.

Ce qui nous importe le plus, c’est la liberté. La liberté de s’exprimer, d’accéder à l’information et à la culture. Nous croyons qu’Internet est devenu ce qu’il est grâce à cette liberté et nous pensons que c’est notre devoir de défendre cette liberté. Nous devons cela aux générations futures comme nous leur devons de protéger l’environnement.

Peut-être que nous ne lui avons pas encore donné de nom, peut-être que nous n’en sommes pas encore complètement conscient, mais ce que nous voulons est une vraie et réelle démocratie. Une démocratie qui n’a peut-être jamais été rêvée par vos journalistes

My, dzieci sieci
Piotr Czerski

  • Voir en ligne : We, the Web Kids
  • Piotr Czerski (translated by Marta Szreder) - 11 février 2012 - CC by-sa
  • (Traduction Framalang : Clochix, Goofy, Lamessen et Xavier)

Note

[1] NdT : le mot polonais original, swobodnego, semble bien faire référence à la liberté et non la gratuité

Le Code des Pirates

Le texte suivant est la traduction en français du Pirate’s Codex, du collectif Pirates without Borders (Pirates sans frontières). Ce mouvement promeut les idées « pirates » par-delà les barrières des nations.

Logo Pirates sans frontières

I - Les Pirates sont libres.

Les Pirates chérissent la liberté, sont indépendants, autonomes, et refusent toute forme d’obédience aveugle. Ils affirment le droit à s’informer soi-même et choisir son propre destin, et la liberté d’opinion. Les Pirates assument la responsabilité qu’induit la liberté.

II - Les Pirates respectent la vie privée.

Les Pirates protègent la vie privée. Ils combattent l’obsession croissante de surveillance par l’État et l’économie, car elle empêche le libre développement de l’individu. Une société libre et démocratique est impossible sans un espace de liberté, privé et hors-surveillance.

III - Les Pirates ont l’esprit critique.

Les Pirates sont créatifs, curieux, et ne se satisfont pas du statu quo. Ils défient les systèmes, cherchent des points faibles, et trouvent des façons de les corriger. Les Pirates apprennent de leurs erreurs.

IV - Les Pirates sont équitables.

Les Pirates tiennent leurs promesses. La solidarité est importante quand elle profite à la collectivité. Les Pirates n’acceptent pas la lâcheté et l’indifférence en société, et agissent quand un courage moral est nécessaire.

V - Les Pirates respectent la vie.

Les Pirates sont pacifiques. Ainsi ils rejettent la peine de mort et la destruction de notre environnement. Les Pirates luttent pour la pérennité de la nature et de ses ressources. Nous n’acceptons aucun brevet sur le vivant.

VI - Les Pirates sont avides de connaissance.

L’accès à l’information, à l’éducation, au savoir comme aux avancées scientifiques doit être illimité. Les Pirates soutiennent la culture libre et le logiciel libre.

VII - Les Pirates sont solidaires.

Les Pirates respectent la dignité humaine. Ils s’engagent pour une société solidaire où les forts défendent les faibles. Les Pirates défendent une conception de la politique faite d’objectivité et d’équité.

VIII - Les Pirates sont cosmopolites.

Les Pirates font partie d’un mouvement mondial. Ils s’appuient sur les ressources qu’offre Internet, et par conséquent, pensent et agissent par-delà les frontières.

Repris depuis le Parti Pirate Alsace ; voir en ligne : Pirate’s Codex

vendredi 13 janvier 2012

Ils se sont assis sur vos droits, retirez leur les sièges !

Le Parti Pirate Midi-Pyrénées l'a fait, nous le reprenons.

Ils se sont assis sur vos droits, retirez leur les sièges ! — PPRA

dimanche 9 janvier 2011

Partageons la politique

Enfants, on nous a forcé à partager. Partage tes jouets avec tes amis, partage tes bonbons avec ceux qui n'en n'ont pas. Sans comprendre, nous l'avons fait.

Écoliers, on nous a appris à partager. Partage tes idées, partage tes récompenses. En rechignant, nous l'avons fait.

Adultes, nous partageons spontanément. Nous partageons nos passions, nos loisirs et nos coups de cœur.

Et vous nous mettez en prison.

Nous n'acceptons pas cela. Nous ne le supportons pas. Et nous vous combattons par tous les moyens à notre disposition. Sur la scène politique comme en coulisse, sur le net et dans la rue, nous ne vous laissons pas imposer votre modèle de société obsolète.

Le temps est notre allié. Vous êtes âgés, à quelques années de la retraite forcée. De gré ou de force, les barrières juridiques que vous nous imposez tomberont avec ce temps qui passe. Vous ne serez pas éternellement députés et sénateurs, et nous prendrons votre place pour construire la société que nous avons choisi.

Ce combat est au delà des questions économiques et législatives : c'est un combat entre deux générations. La vôtre est usée et incapable de s'adapter au présent, alors que la nôtre est remplie d'énergie et de désirs.

Vous ne pouvez pas gagner, car le temps est notre allié.

Aussi, renoncez.

Et rejoignez-nous pour adapter les lois d'hier à la vie d'aujourd'hui.

dimanche 11 avril 2010

Internautes, venez écrire votre Déclaration des Droits

Pendant plusieurs semaines, des pirates ont planché sur une  Déclaration des Droits des Internautes.

Le texte n'est pas définitif, c'est une ébauche et nous avons besoin de vous tous pour arriver à une Déclaration finale.

Rendez-vous donc ici pour finaliser le texte. Vous vous inscrivez et vous échangez vos idées, soumettez vos propositions, c'est aussi simple que ça. Les juristes sont également les bienvenus !

Petit aperçu
Depuis l'avènement de l'informatique, une communauté numérique internationale a vu le jour.
Toute la technologie et la diversité culturelle sur lesquelles s'appuient Internet doivent s'accompagner du respect de droits inaliénables.
Conscients de nos devoirs et de l'importance de la défense sur Internet de nos droits et libertés que traités, conventions et déclarations consacrent déjà, et pour nous prémunir de toutes atteintes à ceux-ci, à l'aube de cette ère de paix et de révolution numérique, nous, Internautes, déclarons ici :


Article 0 : L'accès à Internet est un droit inaliénable.
Article 0.1 : Chaque individu est libre d'accéder ou non à Internet et de choisir les moyens d'accès qui lui conviennent.
Article 0.2 : Les Internautes sont égaux en droits et en devoirs.

Article 1
: Internet est un réseau ouvert, neutre et décentralisé.
Article 1.1 : Les données y transitent de manière égale et indifférenciée, aucune information n'a priorité sur une autre.
Article 1.2 : Seul le pouvoir judiciaire peut autoriser la surveillance, l'interception ou l'interdiction d'un flux ou d'une donnée.

Article 2
: Nul ne peut être arbitrairement privé de l'accès à Internet.
Article 2.1 : Le droit à la communication est un droit inaliénable au titre de la liberté d'expression et du droit à l'information, qui garantissent le droit de partager le savoir, les idées et la culture.
Article 2.2 : Tout individu dispose d'une protection égale de ses droits sur Internet afin que la liberté de consultation et de diffusion de contenus des uns ne porte atteinte à l'intégrité physique ou morale des autres.

..........................

La suite